Champ de pois et de colza (@Happyculteur)

Gestion de l’exploitation : la performance environnementale ne paie pas 

Les exploitations céréalières engagées dans la performance environnementale voient souvent leur revenu baisser. Les économies d’intrants et les quelques euros d’aides perçus en plus ne compensent pas la baisse de leur chiffre d’affaires. Seuls les céréaliers et les polyculteurs-éleveurs, alliant performance économique et performance environnementale, s’en sortent. Mais leurs efforts et leurs compétences ne sont pas pour autant récompensés par des revenus supplémentaires.

Ce n’est pas une surprise! Les agriculteurs et les polyculteurs-éleveurs, adoptant des pratiques agricoles vertueuses, ne voient pas leurs efforts récompensés.

En grandes cultures, le manque à gagner généré par la baisse des rendements de leurs céréales et de leurs oléagineux n’est pas compensé par des aides Pac versées en plus. L’économie de charges réalisée n’est pas non plus suffisante.

Ce constat est le résultat d’une étude d’Agreste publiée par le ministère de l’Agriculture portant sur « Les performances environnementales et économiques des exploitations de grandes cultures du Grand Est ». Et même si elle est réalisée dans la région Grand-Est, ses enseignements sont suffisamment éloquents pour en tirer quelques conclusions (l’année prise en référence est 2021).

En grandes cultures, seules les exploitations alliant performance environnementale et performance économique dégagent un excédent brut et un résultat courant identiques à leurs consoeurs les moins vertueuses. Elles ont réduit leurs consommations d’intrants et elles ont adopté des mesures environnementales très strictes. L’assolement de leurs cultures comprend une part significative de cultures fixatrices d’azote (23,5 % en moyenne). Ces exploitations maintiennent aussi quelques hectares en jachère et elles ont un atelier de diversification en élevage nécessitant des prairies permanentes ou temporaires.

En polyculture élevage, davantage d’aides sont versées aux exploitants agricoles les plus vertueux, dont une part importante de leur activité est dédiée à l’élevage. Mais les sommes perçues en plus compensent  à peine les baisses des rendements et des charges.

L’étude d’Agreste détaille notamment ces résultats en passant au crible deux groupes d’exploitations champardennaises et lorraines (année de référence 2021).

La double performance pas récompensée

En Champagne-Ardenne, les 125 exploitations prises en exemple dans l’étude d’Agreste sont scindées en quatre catégories. Celles en C1 (39 exploitations sur 25), les moins portées par les questions environnementales, dépensaient 447 € d’engrais et de produits phytosanitaires par hectare alors que seuls 2 % de leur SAU sont en prairie.

A contrario, leurs consoeurs C4 (25 sur 125), avec 8 % de prairies naturelles et temporaires, n’ont déboursé que 290 €/ha d’intrants.

Mais en dégageant de moindres rendements que ceux obtenus par les C1 (- 1 t de blé/ha et 8q/ha de colza), les exploitations C4 réalisent un chiffre d’affaires inférieur de 550 €/ha et surtout un excédent brut inférieur de 198 €/Ha.

Autrement dit, la baisse des rendements des exploitations  C4 génère un manque à gagner bien plus important que l’économie de charges réalisée. Et ces agriculteurs ne peuvent pas compter sur des aides supplémentaires pour compenser leurs pertes.

« Ramenées à la surface, les aides ne sont supérieures que de 22 €/ha dans la classe C4 comparativement à la classe C1, mentionnent les auteurs de l’étude d’Agreste. La dépendance aux aides, mesurée par la proportion d’aides dans l’EBE, passe de 35 % dans la classe C1 à 47 % dans la classe C4 ».

En conséquence le revenu des exploitations C4, comparé à celui en C1, était inférieur de 107 €/ha.

En fait, dans le groupe des 125 exploitations, seul un cinquième d’entre elles allie performance économique et performance environnementale. Elles dégagent d’aussi bons rendements et de résultats économiques que les exploitations C1 moins vertueuses tout en ayant moins de charges à régler. Mais leur assolement est très diversifié.

Pour ces vingt-cinq exploitations, l’étude Agreste donne les précisions suivantes : « la production moyenne est de 1 800 €/ha. Elle est soutenue par de très bons rendements (83 q/ha en blé, 85 q/ha en orge, 909 q/ha en betterave, 30 q/ha en colza). Les plantes permettant d’enrichir le sol en azote occupent 16 % de l’assolement ; ce sont essentiellement de la luzerne déshydratée (55 %) et du pois d’hiver et de printemps (10 et 26 %). La betterave est quasiment présente dans toutes les exploitations (19 sur 22), implantée sur une surface moyenne de 27 ha. Les autres cultures venant diversifier les assolements sont le chanvre, l’œillette, le chou à choucroute, des plantes à parfum, le lin non textile… »

Double performance environnementale en polyculture-élevage

En Lorraine ou la polyculture élevage est très répandue. Les exploitations en zones intermédiaires, dotées d’un potentiel de production moins élevé qu’en Champagne Ardenne, tirent davantage profit du verdissement de leurs pratiques agricoles.

Les exploitations scindées en deux catégories C1 et C2 par l’étude Agreste, en fonction de la prédominance de l’élevage dans leur activité, consacrent une  partie de leur assolement à la production fourragère.
Sur une superficie de 180 ha en moyenne, les fermes C2 dédient 13 % de leur SAU à des cultures fixant l’azote et 20 % à des prairies naturelles et temporaires.  

Les exploitations C1 sont davantage portées sur les céréales. La part de l’élevage est faible (12 % de la SAU est en prairie). 

Dans la catégorie C2, la baisse de rendement est compensée par l’économie de charges et par les aides perçues en plus, notamment du second pilier.

L’EBE et le résultat courant par hectare entre les deux catégories d’exploitations sont quasiment identiques.

L’étude d’Agreste donne les explications suivantes : « le niveau global de la production étant moindre (elle est de 1 360 €/ha dans la classe C1 et 1 035 €/ha dans la classe C2), l’écart peut être comblé par l’économie réalisée sur l’ensemble des charges et les subventions. En moyenne, les charges sont en effet inférieures de 155 €/ha pour les intrants et 139 €/ha pour les autres postes dans la classe C2, et les subventions y sont supérieures de 40 €/ha. Il y a davantage d’aides couplées et d’aides du second pilier (conversion à l’agriculture biologique et MAEC) ».

Pour en savoir plus : https://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/dossier-no1-les-performances-environnementales-et-economiques-des-exploitations-a4412.html?id_rub=651

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